Libérer le logiciel libre des libristes

Encore un appel sur Mastodon pour inciter les auteurs et autrices de threads considérés comme trop longs à ouvrir un blog.

C'est cohérent. Je ne trouve pas grand-chose à redire à cela car, et j'en fais l'exercice moi-même depuis quelques temps, le format s'y prête, et les attentes de ce qu'on a envie de lire sur tel ou tel type de plateforme est respecté. Et puis c'est bien d'avoir de la place. Pour avoir pratiqué les threads sur Twitter très longtemps, puis dès mon arrivée sur Mastodon, ça peut être accidentel : on a une courte mais franche réaction à un contenu, laquelle est associée au besoin de s'exprimer, de se décharger un peu, on avait sincèrement l'intention de faire court et efficace. Et finalement on avait plein de choses à dire. On réagit à ce qu'on a écrit soi-même, on affine, on nuance, on appuie. Et oui, pour ça, le blog c'est mieux. Ça a le défaut majeur de ne pas pouvoir s'écrire vite fait debout dans la cuisine entre deux coups de cuillère en bois, il faut se forcer un peu plus à prendre le temps, mais c'est pour le mieux en termes de réflexion, de contenu, de fluidité offerte à la lecture.

Là tout de suite, je suis vautré dans un fauteuil au chaud, la bibliothèque municipale offre presque le même calme que chez moi pendant que ma fille kiffe sa vie en autonomie à la fête foraine avec ses autres pré-ados de potes, ça valait le coup d'attendre un peu et de ne pas publier mon thread à l'arrache depuis mes toilettes.

Bref, vous me voyez totalement d'accord avec cet appel, jusque physiquement.

Et pourtant qu'est-ce que vous pouvez être gonflants pour certains d'entre vous. Je laisse le masculin exprès. Parce qu'en arguments soutenant cet appel j'en ai lu des trucs gênants. J'ai lu des gens s'offusquer de ce que la plus jeune génération pouvait ne même pas savoir ce qu'était un « blog », non mais allô quoi. J'en ai lu d'autres soutenir qu'on ne pouvait pas former nos jeunes au numérique sans qu'iels ne se louent un espace privatif associé à leur propre nom de domaine. Bref, si nos jeunes ne savent pas utiliser internet tout en se défendant de ses dérives c'est soit parce qu'ils et elles sont trop connes, soit parce qu'il n'y a pas de jusqu'au-boutisme dans la démarche. Je vous ai vus, physiquement, avec vos barbes et vos vues basses de quadra/quinca, avec votre bière artisanale et votre clope roulée, avec vos rides qui serpentent vos visages blancs illuminés de cette suffisance propre aux gens un peu en marge, qui auraient pu être une inspiration nécessaire sauf qu'ils sont trop frustrés de ne pas l'être, comme tout mec passé un certain âge. Au lieu d'être des lanternes, vous êtes des panneaux d'avertissement. C'est dommage.

C'est dommage parce que oui, internet aurait pu être mieux. Oui, les logiciels libres ont des vertus extraordinaires, on cherche, on en vient à s'intéresser à sa machine, on s'approprie des outils au lieu d'en être client⋅e⋅s – et même juste en les utilisant, on discute, on s'améliore, on améliore.

Mais je comprends qu'on n'ait pas envie d'aller vers vous. Je n'en ai pas envie, les plus jeunes non plus. Peut-être êtes-vous minoritaires, personne ne le saura jamais. Heureusement il y a aussi des gens doux, qui proposent, sont là, accessibles, laissent vivre, laissent venir. Nous pouvons être ces petits vieux tranquilles tant qu'on ne les éloigne pas trop du radiateur, avec cette force de proposition qui se contente d'être disponible, ou nous pouvons être ces vieux idiots, avec rigoureusement le même savoir, mais qui se désolent à 120 dB pendant les repas que les jeunes sont trop cons de ne pas s'intéresser totalement à [rock alternatif / langue régionale / logiciels et internet libres / ouvrage de philosophie libertaire / ...] comme eux l'ont fait.

Donc bon, calmez-vous.

Cordialement, Patate