Nique les musiciens

Mes horaires et conditions de travail s'étant grandement allégées depuis novembre (alors que paradoxalement je fournis un effort d'exécution bien supérieur, cf. la mention “de labeur” en suffixe au nom de ma convention collective), mon sentiment de disponibilité revient doucement. C'est agréable. Je retrouve un peu plus mes ami·es, je pense à inviter, je suis invité en retour, je me sens plus détendu à l'approche des mes obligations domestiques en fin de journée. Et soudain, ce petit vide tantôt angoissant, tantôt excitant. Ok. Peut-être suis-je prêt à refaire de la musique en amateur avec des gens ?

J'avais oublié un aspect dont je m'étais soigneusement tenu à l'écart pendant mes quinze années de pratique musicale entre 2001 et 2017 (oui ça fait 17, bravo) : s'il n'existe aucune frontière à ce phénomène qui touche toutes les couches de tous les domaines et que donc la musique n'est pas à proprement parler LE loisir ou LE métier où ça s'exprime, bordel de cul que les mecs sont chiants.

Possessions matérielles, mansplaining, sur-technicité, il m'a fallu trois minutes de scrolling dans une communauté d'annonces locales en ligne pour me rappeler qu'on est, les mecs cis, en surnombre. Et vas-y que je me justifie du nombre d'années de pratique, que je mets en doute le nombre d'années de pratique des autres quand ils postent leur annonce, je sais te dire la diff' entre deux modèles d'ampli similaires dont je connais également les chiffres et codifications en suffixe des noms, je vais te donner des conseils que tu n'as pas demandés au bout de trois paragraphes de “partage” d'expérience(s), je vais même te dire comment orthographier le nom de ton groupe. Une fois “casés”, ça donne ces guerres de volume d'ampli et les acouphènes qui vont avec, les ricanements à la simple mention des considérés “sous-genres” musicaux qui ne requièrent pas la technicité qu'ils ont acquis dans la douleur et la persévérance pour se rapprocher des étiquettes qui méritent de mettre du pognon pour écrire leurs noms en dorure à chaud sur les livrets de partitions ou les affiches de festivals.

Je suis un peu dans la mouise. Il va me falloir, pour mon plaisir pur de jeu, attendre et/ou solliciter des goûts musicaux bien particuliers et peu représentés, et en plus trier les gros cons. Les musiciennes ont compris le truc avant tout le monde, douloureusement, et ont rassemblé cette force nécessaire de soit jouer solo, soit jouer entre elles. Je n'ai pas cette confiance. Plus précisément : j'ai le confort de n'avoir jamais eu besoin de rassembler cette force. Et puis bon la batterie, si ça a l'avantage d'être extrêmement accessible et d'avoir un jeu qui peut être déployé en fumiste sur l'instant, ça a l'inconvénient de ne fournir – me concernant en tout cas – aucun plaisir en solo.

Je vais attendre. Mais l'attente c'est long et ça donne envie d'agir. Agir, ça serait d'aller faire chier tous ces petits mecs dès qu'ils la ramènent avec leur regard espiègle ou ténébreux sur leur photo de profil en noir et blanc. Ou alors les aiguiller vers ce post de blog. Ou bien continuer d'attendre la petite perle de personne qui postera prudemment son annonce, sachant elle aussi ce qui l'attend, mais qui aura eu plus de volonté et de résilience que moi.